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pour faire une bonne photo
Qu’est-ce qu’une « bonne photo » ? Existe-t-il seulement réponse à cette question ? On pourrait lorgner vers la technique : cadrage, contraste, lumière, profondeur de champ. On pourrait pencher du côté du sujet : événements exceptionnels, dramatiques ou heureux, personnages connus. Oui, sans doute, le sujet et la technique participent, quand ils sont maîtrisés, de ce qu’on pourrait appeler « une bonne photo ». Mais l’essentiel est ailleurs.
L’essentiel est dans le regard que pose le photographe sur les gens, dans la relation qu’il entretient avec eux. Quand on se veut photographe, amateur ou professionnel, il s’agit moins de « prendre » une photo que de donner beaucoup de soi dans l’acte de photographier. « Bien photographier, c’est simplement s’améliorer humainement ».
C’est aussi user ses souliers, marcher sans relâche, avoir l ’œil aux aguets et l’âme bienveillante. C ’est aussi ne pas truquer, ne pas tricher, ne pas faire le malin. La (bonne) photographie est affaire d’humilité.
Jean-Louis Gendrot, aujourd’hui à la retraite, était cheminot. Quand il ne conduisait pas les trains, il cheminait dans les rues, de Paris surtout, parce que c’est dans les rues qu’on rencontre nos frères humains. Aujourd’hui, il chemine encore et encore et il regarde. Il marche les yeux et le cœur grands ouverts. Il a une manière douce de photographier, jamais agressive. Il va vers les gens et les choses modestement. Avoir la manière douce ne veut pas dire céder à la complaisance. Cette jeune femme, par exemple, bon chic bon genre, qui détourne ostensiblement les yeux du clodo et de ses chiens endormis sur le trottoir. Pas l’once d’une méchanceté dans cette photo, mais pas de complaisance non plus. Le photographe a clairement choisi son camp, celui de la détresse humaine, et cela seul condamne le dédain de la passante. C’est une bonne photographie, parce que tout est dit dans le cadre, et la composition, qui n’est pas due au hasard, est exceptionnelle. Il ne faut pas seulement être « au bon moment au bon endroit » pour faire une photo comme celle-là, il faut photographier depuis de longues années.
Ne sont exposées ici que quelques-unes des photographies prises par Jean-Louis Gendrot depuis quelque quarante ans. C’est forcément trop peu, mais suffisant toutefois pour en saisir la profonde humanité, l’humour, souvent, la malice, parfois, la tendresse, toujours.
Il pourrait être tentant de jouer au jeu des comparaisons, qui consisterait à déceler dans les photographies de Jean-Louis Gendrot un peu de l’humanisme de Willy Ronis, un brin du réalisme poétique de Robert Doisneau ou encore un zeste de l’humour de Pierre Le Gall. Comparaisons certes flatteuses avec des photographes que, parmi beaucoup d’autres, Jean-Louis Gendrot vénère. Mais, au bout du compte, ce jeu-là est vain. Il ne dit pas assez la singularité du photographe « amateur », c’est-à-dire amoureux de son art, qu’est Jean-Louis Gendrot.Pour en juger, il suffit de se laisser séduire par la grâce de ses photographies, de se laisser emporter dans le tourbillon des émotions qu’elles suscitent, et de se laisser gagner par le bonheur simple de voir avec le cœur. Claude Desormeaux

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